Inscription de l’IVG dans notre Constitution : encore un long chemin 

Après que la décision a été prise par la Cour suprême américaine de ne plus garantir le droit à l’avortement au niveau fédéral aux États-Unis, les députés français ont adopté, jeudi 24 novembre, une proposition de loi visant à inscrire ce droit dans la Constitution.

IVG

Quels sont les textes applicables ?

La Constitution fixe les conditions de sa propre révision dans l’article 89, le dernier. Deux cas l’interdisent, si la réforme porte atteinte à l’intégrité du territoire ou à la « forme républicaine du gouvernement ». 

Ces limites respectées, les révisions peuvent modifier la Constitution en profondeur. Depuis 1958 y ont été inscrits, par exemple, la construction européenne, de manière à permettre la ratification du traité de Maastricht (en 1992), l’égalité entre les femmes et les hommes (en 1999) et l’interdiction de la peine de mort (en 2007).

Pour faire adopter une révision constitutionnelle, Charles de Gaulle avait eu recours, en 1962, non pas à l’article 89, mais à l’article 11, qui donne au président de la République le pouvoir de déclencher un référendum. A l’époque, il s’agissait d’inscrire l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel direct dans la Constitution. 

Le Sénat : rempart pour ce projet

Ce projet doit être voté par les députés et par les sénateurs. Il diffère toutefois de la procédure législative ordinaire, au terme de laquelle, en cas de désaccord, l’Assemblée nationale a le dernier mot.

Pour le Palais du Luxembourg, la révision constitutionnelle est donc l’occasion de peser lourd. C’est d’ailleurs dans l’espoir de passer le mur du Sénat que la majorité présidentielle n’avait pas proposé, dans son texte, d’intégrer la contraception en même temps que l’IVG. Malgré tout, le soutien du Sénat, où la droite dispose de la majorité, est loin d’être acquis.

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Référendum ou vote des parlementaires ?

Si toutefois le texte était adopté par chaque chambre, à la majorité simple, il devrait encore être ratifié. Dans le cas où, comme pour l’IVG, la proposition vient du Parlement, la ratification ne peut se faire que par référendum. 

Or depuis 1958, aucune révision entreprise par le Parlement n’a abouti, la plupart du temps faute de convergence politique entre les deux chambres. Hormis le mandat présidentiel de cinq ans en 2000, toutes les révisions sont jusqu’à présent passées par le Congrès et non par le référendum.

Après la constitutionnalisation, un droit mieux protégé

La Constitution demeure tout de même le texte fondateur du système juridique français, et c’est à ce titre que les défenseurs du droit à l’avortement veulent l’y inscrire.

Aujourd’hui, beaucoup de droits et de libertés, dont l’IVG, ne sont garantis que par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Or le Conseil constitutionnel, dont les neuf membres sont nommés pour neuf ans, pourrait ne pas avoir toujours la même lecture de textes anciens – par exemple, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – par lesquels il a consacré des droits modernes.

Aux yeux des défenseurs de l’IVG, son inscription dans la Constitution permettrait donc de prévenir en cas de tentative de rétropédalage. Aux États-Unis, c’est précisément parce que la Cour suprême, dominée par les conservateurs, a adopté une lecture littérale de la Constitution, qu’elle a mis fin à la garantie fédérale du droit à l’avortement.