La réponse pénale au phénomène des rodéos motorisés

À la suite des évènements survenus en août 2022 à Colmar, et partout en France, j'ai interrogé Eric DUPOND-MORETTI, Garde des Sceaux et Ministre de la Justice sur la réponse pénale au phénomène des rodéos motorisés.



La question : Mme Brigitte Klinkert attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réponse à apporter au phénomène des rodéos motorisés. Originaire des États-Unis d'Amérique, le phénomène des rodéos urbains s'est développé en France depuis quelques années. Consistant en des courses et des acrobaties réalisées au moyen de motos ou de quads, ces rodéos sauvages perturbent la tranquillité publique et mettent régulièrement en danger la sécurité des concitoyens. Tandis que le législateur s'était emparé de la question à l'occasion de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés en prévoyant des peines pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, le phénomène perdure. Pire, les drames qui se sont produits depuis l'été 2022 témoignent de la recrudescence des rodéos motorisés qui, au cours du seul mois d'août 2022, ont entraîné la mort deux personnes et en ont blessé davantage. Malgré les saisies records effectuées par les forces de l'ordre sur l'ensemble du territoire à la suite de l'intensification des contrôles décidée par M. le ministre de l'intérieur, il apparaît nécessaire que ce phénomène fasse l'objet d'une réponse pénale plus ferme. Elle souhaiterait ainsi recueillir son avis sur la façon dont on pourrait, ensemble, apporter une réponse pénale plus ferme aux rodéos motorisés.

La réponse : Les rodéos motorisés ont connu un développement important sur l'ensemble du territoire national, en milieu urbain comme en milieu rural. Conscient des perturbations majeures que ces comportements génèrent dans la vie des habitants de bien des quartiers, le ministère de la Justice s'est pleinement mobilisé pour répondre à cette problématique.

Afin de lutter contre ce phénomène générateur de troubles à l'ordre public et de risques d'accidents graves, la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés a inséré dans le code de la route les articles L.236-1 à L.236-3 permettant de poursuivre ces comportements. Si l'article L. 236-1 du code de la route réprime à ce jour les faits de rodéos motorisés à l'état simple d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, cette répression est doublée lorsque les faits sont commis en réunion et portée jusque cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende si le conducteur a également fait usage de stupéfiants, se trouve sous l'empire d'un état alcoolique ou refuse de se soumettre à ces vérifications, mais également lorsqu'il n'est pas titulaire du permis de conduire.

Les faits d'incitation, d'organisation d'un rassemblement destiné à permettre les rodéos motorisés ou leur promotion par tout moyen sont réprimés de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende (L. 236-2 du code de la route). Les personnes encourent en outre, au titre des peines complémentaires, notamment la confiscation obligatoire du véhicule ayant servi à commettre l'infraction et l'annulation de leur permis de conduire.

La circulaire du 18 juin 2021 et la circulaire de politique pénale générale du 20 septembre 2022 ont appelé à la mise en œuvre d'une politique pénale empreinte de fermeté, et insisté sur la nécessité de privilégier la voie du déferrement pour les faits les plus graves. Cette dernière a également souligné l'intérêt de la saisie systématique, en vue de leur confiscation, des véhicules ayant servi à commettre l'infraction.

A cette fin, la conclusion de conventions avec les acteurs locaux permettant d'assurer le gardiennage à titre gracieux desdits véhicules est encouragée. Sous l'impulsion de ces circulaires et conscients de l'importance de lutter sans relâche contre ces faits délictuels, les magistrats du parquet ont mis en place une politique pénale ferme afin de réprimer les rodéos urbains et confisquer les véhicules utilisés, dès lors que les éléments constitutifs de l'infraction ont pu être démontrés au cours de l'enquête.

En effet, le nombre de condamnations affiche une hausse de près de 50 % entre 2020 et 2021. Plus précisément, une procédure pénale de rodéos motorisés sur quatre a donné lieu au prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme, avec une durée moyenne de 5 mois d'emprisonnement. La loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 est récemment venue renforcer l'arsenal répressif en facilitant les procédures lorsque les véhicules ont été loués pour commettre ces faits (L.321-1-1 du code de la route).

Désormais, l'article L.325-7 du code de la route permet sous un délai réduit de sept jours, de constater l'abandon d'un véhicule ayant servi à commettre l'infraction et le livrer à la destruction. Les véhicules pour lesquels les obligations relatives à l'immatriculation ou à l'identification n'ont pas été satisfaites au moment de leur mise en fourrière sont, en l'absence de réclamation, considérés en outre comme abandonnés dès leur entrée en fourrière et livrés à la destruction.

Le ministère de la Justice est enfin actuellement pleinement mobilisé pour envisager le renforcement de cet arsenal, dans le cadre des discussions parlementaires menées au titre du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur 2022-2027. A cet égard, ce projet de loi prévoit d'une part la création d'une nouvelle circonstance aggravante en cas de rodéo exposant autrui à un risque de mort ou d'infirmité permanente et d'autre part une nouvelle peine complémentaire de confiscation de véhicules appartenant au condamné et ce même s'ils n'ont pas été utilisés pour commettre l'infraction.