Hommage à Wolfgang Schaüble

Ami et voisin de l’Alsace, Wolfgang Schaüble était aussi pour moi un ami de longue date. Je suis élue de Colmar depuis un certain temps maintenant et lui avait démarré sa carrière politique juste de l’autre côté du Rhin, à Freiburg. Élu au Bundestag depuis 1972, il n’a jamais coupé avec ses racines résolument rhénanes. Cette proximité géographique et politique entre nous s’est transformée au fil des années en véritable amitié politique.


Il y a quelques mois encore, j’accueillais Wolfgang Schaüble pour la 67ème rencontre franco-allemande des maires, un évènement initié par mon grand-père Joseph Rey lorsqu’il était maire de Colmar. Créée en 1956, cette rencontre des élus locaux du bassin rhénan avait quelque chose d’improbable, c’était le début de la réconciliation franco-allemande avant que cette relation ne devienne une amitié partagée. Le 28 août dernier, il partageait avec nous sa vision de l’amitié franco-allemande à l’échelle du bassin rhénan, soulignant l’importance du rôle des citoyens dans les espaces de vie transfrontalier pour bâtir et entretenir la relation franco-allemande étroite et une coopération transfrontalière solide et dynamique pour penser ensemble l’Europe de demain et pour défendre nos démocraties et nos libertés.


J’ai toujours été impressionnée par sa sagesse et ses qualités de visionnaire. Grand homme d’État, il a assumé les plus grandes responsabilités en Allemagne depuis 30 ans. Ce que je retiens de son héritage, c’est bien sûr son travail acharné pour la réunification allemande entre 1989 et 1991 comme ministre de l’Intérieur, période lors de laquelle il a aussi été victime d’un attentat qui n’a jamais ébranlé sa détermination et son ambition pour son pays et pour l’Europe.


Ce qui nous rapprochait, c’est la conviction qu’il n’y aurait pas d’Europe unie sans l’amitié franco-allemande et que les destins de nos deux pays sont liés, par l’Histoire et par l’avenir.

Il était un ami de la France et je retiens aussi de sa vie politique sa détermination à enrichir et approfondir toujours la relation franco-allemande. Il savait que la Chute du mur en 1989, la fin du bloc soviétique et la réunification allemande allaient changer la face de l’Europe et qu’il fallait absolument resserrer et raffermir les liens entre la France et l’Allemagne pour que le projet européen perdure. C’était un homme d’une droiture et d’une intelligence exceptionnelle, comme son parcours politique brillant le démontre.


Nous avions en commun une conception similaire de la relation franco-allemande : une amitié concrète, humaine, une relation culturelle et linguistique, pas seulement formelle ou diplomatique. L’amitié entre la France et l’Allemagne, qui s’est fondée sur l’idée de réconciliation nécessaire, est devenue bien plus que cela et il nous revient de poursuivre chaque jour l’œuvre que nos prédécesseurs, et Schaüble en particulier, ont bâtie. C’est pourquoi comme co-présidente du bureau de l’APFA, j’oriente particulièrement nos travaux sur des coopérations concrètes qui rapprochent nos pays et leurs habitants : oui la coopération militaire est un projet majeur, mais le partage de nos cultures, de nos langues est pour moi ce qui ancre cette amitié au cœur de nos deux peuples.


Son héritage concret, que j’essaie modestement de perpétuer chaque jour, c’est aussi la création de l’Assemblée parlementaire franco-allemande pour laquelle il a œuvré en tant que président du Bundestag avec Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale. C’est un outil essentiel qui contribue à forger davantage l’amitié qui lie nos deux pays. Cette assemblée est la seule assemblée parlementaire binationale au monde qui a pour vocation de travailler sur du concret. Au-delà de la relation diplomatique entre nos deux pays, cette assemblée a pour vocation de forger et renforcer la relation politique entre nos deux pays.


En cette année 2024 où l'Europe sera au cœur des enjeux et des discussions, où le choix de notre Europe sera entre les mains des électeurs de nos 27 pays, je rends hommage à Wolfgang Schaüble.