Réforme des retraites :

Comment sortir de la crise ? L’avis de parlementaires haut-rhinois

Les deux députés et le sénateur locaux s’expriment sur la réforme des retraites et la poursuite des grèves et manifestations. Si Brigitte Klinkert, Hubert Ott et Christian Klinger s’accordent sur le diagnostic, leurs avis divergent sur les solutions à apporter. (Temps de lecture : 4 min)


Brigitte Klinkert (Renaissance) : « Il faut écouter davantage, répondre aux inquiétudes des Français ».


Valérie KOELBEL

Publié le 4 avr. 2023


La réforme des retraites est adoptée, pas encore promulguée , et laisse nos trois parlementaires dans une grande amertume. « Comme souvent, ce gouvernement a fait les choses à l’envers, fustige le sénateur LR Christian Klinger. Il aurait d’abord fallu s’occuper de la pénibilité, des carrières longues, des carrières hachées des femmes avant de faire la réforme des retraites… »

Un avis partagé, une fois n’est pas coutume, par les deux députés de la majorité : « Il aurait fallu discuter d’abord d’une nouvelle loi travail, admet la députée Renaissance Brigitte Klinkert (1re circonscription du Haut-Rhin) ». [Le gouvernement planche en ce moment sur un projet de loi baptisé « plein emploi » ndlr ] Pour Hubert Ott, tous les sujets auraient dû être mis sur la table : « On prend le problème par le mauvais bout, estime le député MoDem de la 2e circonscription. La crise actuelle c’est une crise existentielle, celle du rapport des gens au travail et au monde qui les entoure ».


« Il y a une insécurité aujourd’hui dans la façon dont on aborde sa vie »

Cette crise profonde, les trois parlementaires la ressentent sur le terrain : « Il y a trois semaines je suis allée tracter sur le thème des retraites, raconte Brigitte Klinkert. Or les gens ne me parlaient que de l’inflation. La crise actuelle existe aussi dans d’autres pays, on le voit avec les grèves en Allemagne… ». « La réforme des retraites a réveillé beaucoup de choses, pointe Hubert Ott, il y a de l’insécurité aujourd’hui dans la façon dont on aborde sa vie ». Christian Klinger, lui, trouve la période « singulière. Je n’ai jamais connu une pareille ambiance générale », avoue-t-il.


La députée Renaissance dit avoir vécu une période « extrêmement pénible à l’Assemblée, avec des injures et une Nupes qui faisait de l’obstruction. Ce n’est pas l’image que je veux donner de l’Assemblée ». Elle en profite aussi pour tacler les Républicains, « qui n’ont pas été à la hauteur de leur promesse de voter en faveur de la réforme, alors qu’ils s’étaient engagés durant la campagne pour la retraite à 65 ans ».

Attaque reçue tranquillement par Christian Klinger qui répond : « Au Sénat, on a voté la même chose que ce qu’on avait déjà voté trois fois précédemment. Et les LR ont perçu que l’âge légal à 65 ans ne serait pas compris ».

Lui en veut plutôt au PS qui a « fait obstruction lors des débats au Sénat, ce qui a conduit à un vote bloqué » [un vote sur les seuls amendements acceptés par le gouvernement ndlr ].


Un système par points ou par capitalisation

Sur le fond, les trois parlementaires estiment nécessaire le report de l’âge légal, même si, selon Brigitte Klinkert, « on a bloqué là-dessus et on n’a pas assez parlé du reste de la réforme, qui présente quand même des améliorations ». Pour Hubert Ott, cependant, « la réforme des retraites n’est que le colmatage d’un système obsolète. Il faut avoir une réflexion plus vaste, par exemple sur la transition entre la vie active et la retraite, avec une généralisation de la cessation progressive d’activité. Le point positif de la réforme, c’est la clause de revoyure en 2027 ». Christian Klinger, de son côté, réfléchit à d’autres sources de financement des retraites : « On pourrait effectivement taxer les bénéfices des grosses entreprises, mais de façon ponctuelle et avec le risque qu’elles partent ailleurs. Sinon, il faudrait aussi réfléchir à un système par points ou par capitalisation. Mais sommes-nous capables d’avoir une vision à long terme ? »

« Changer de méthode »

Et dans l’immédiat, que faire ? Hubert Ott met en garde contre « la tentation de l’immobilisme, la pire des choses dans une situation brutale ». Brigitte Klinkert prône « un changement de méthode, il faut écouter davantage et répondre aux inquiétudes ». Du côté des institutions, Christian Klinger ne souhaite pas une dissolution de l’Assemblée nationale : « Ce n’est pas le moment, les gens sont crispés. Et cela risquerait de propulser en tête la Nupes ou le RN ».

Pourquoi pas un remaniement ministériel, acquiesce Brigitte Klinkert « afin d’élargir un peu le gouvernement ». Pour Hubert Ott, « le sujet, ce ne sont pas les gens au gouvernement, Mme Borne est parfaitement capable ». Christian Klinger, enfin, note que « si les Français ont voulu du pluralisme dans les institutions, cela ne fonctionne pas. Si seulement l’Elysée et Matignon avaient notre culture rhénane de la coalition… »